Il y a 60 ans un certain 28 août 1944
André LIEVIN gardait les vaches d’un cultivateur dans un champ,
prés du gros chêne. Deux hommes, qui ne parlaient pas très
bien le français, lui demanda des pommes ou des poires. Quand il
rentra le midi pour déjeuner, il nous expliqua que deux hommes se
cachaient et qu’ils avaient faim. Mon cousin, Etienne LARUE, 33 ans,
lui demanda comment ils étaient habillés. Il répondit
qu’ils étaient en bleu de travail avec une casquette sur la
tête.
Etienne et moi décidions de prendre dans un cabas (sac à provision)
de quoi nourrir les fugitifs. Nous n’étions pas très
rassurés, car nous pouvions être victime de la méprise
allemande. En effet, deux de nos amis avaient été assassinés
par les SS trois semaines avant (une stèle est dressée en
leur honneur, chemin des Huées). Nous allâmes à notre
point de repère qui était le gros chêne, sur les hauteurs
de REBETS, face au bois du Bléquis. Nous ne savions pas comment faire
pour entrer en contact avec les fugitifs et garder une part de sécurité.
Nous décidâmes de rouler une cigarette. Si quelqu’un
se manifestait, mon cousin Etienne, navigateur au long-court jusqu’en
1940, reconnaîtrait l’accent aussitôt.
Quelque instant après, un homme écarta prudemment les branches.
Etienne avança et lui demande du feu. L’homme prononça
quelques paroles et Etienne me fit signe en disant: "Viens! C’est
un Anglais". Nous entrâmes sous le bois. Son camarade ne parlait
pas Français. Nous fîmes connaissance pendant qu'ils mangeaient.
C'étaient deux aviateurs canadiens. Celui qui parlait un peu le français
nous dit que son prénom était Francis (qui n'est autre qu'Arthur)
et que celui de son camarade était William. Nous avions apporté
les produits de la ferme: haricots, confiture, un peu de pain et une bouteille
de cidre. Ils nous apprirent que leur avion était tombé le
18 août, vers midi et demi. Nous nous rappelâmes que nous avions
entendu une explosion ce jour là. Arthur nous dit que son navigateur
avait été tué dans l’avion et que Réginalo,
(un anglais qui était dans le même avion au moment du drame)
William et lui avaient échappé à la mort. Ils s'étaient
vue à la ferme qu’ils les avait héberger.
William allait très bien mais Arthur, pilote de l’avion, avait
sauté quelques secondes avant l'explosion de l’avion et avait
été blessé à la colonne vertébrale, très
sérieusement. Il lui reste d'ailleurs des séquelles aujourd'hui.
Ils nous confia qu’ils avaient été hébergé
dans une ferme jusqu’au 26 août mais que les allemands avaient
investi la ferme et étaient parti de justesse sur le coteau en face
de la ferme. De là, ils observent les vas et viens des Allemands.
Cependant une fusillade éclata entre les maquisards et les allemands.
Il n'était plus question de revenir à la ferme. Avec sa boussole,
Arthur se dirigea vers les hostilités, afin de se retrouver en direction
des alliés le plus vite possible. Il nous informa que la dame de
la ferme leurs avaient donné les habits civil de ses grands fils
et que, de ce faite, ils passaient pour des paysans. Après avoir
parlé environs 2 h 30, Etienne leurs dit qu’il allait venir
les chercher à la tombée de la nuit, pour les conduire dans
une maison inoccupée et isolée. C’était la maison
du père Roussel aux Huées le 28 août. Nous ne savions
pas encore quand nous serions libéré. Les informations nous
arrivaient par le bouche à oreilles.
Les Canadiens étaient approvisionnés tout les jours en nourriture
par Etienne et le père Roussel, dormaient dans le grenier et dès
le levé du jour ils se réfugiaient dans le bois pour être
en sécurité. Les allemands étaient de plus en plus
agressifs car ils reculaient davantage tous les jours et, de plus, les chasseurs
alliés mitraillaient tout ce qui bougeait.
Enfin, le 31 août 1944 arriva. Nous apprîmes que les alliés
passaient à Boissay, en direction de Buchy. Etienne alla cherchez
nos deux Canadiens pour déjeuner à Hez, la maison prés
du calvaire. L’après-midi nous allâmes à pied
à Boissay. Arthur soufra beaucoup de cette longue marche qui était
de 3 bon kilomètres, mais il savait que la Normandie était
libéré et cela lui fit oublier la douleur.
Les alliés ,qui étaient de passage à Boissay, étaient
des Canadiens et le dialogue fut facile. Nous fûmes félicité
par les autorités Canadiennes qui étaient là.
Peu de temps après une surprise nous arriva en chenillette Canadienne,
c'était James STERLING, un autre membre de l’équipage
qui était mitrailleur en queue de l’avion ( le Lancaster de
la R.A.F que piloté l’officier Arthur KEMP ). Il était
accompagné du Maire de la Chapelle St Ouen, de Maurice LEVEQUE réfractaire
et de M. PERO-DECACHON de la grande ferme de la Chapelle St Ouen qui était
agent de renseignement au service des alliés. Quand Arthur vit James
arrivé, il lui lança: "tu es là aussi!".
Ils n'étaient cachés qu'à quelques centaine de mètre
l’un de l’autre sans le savoir! Plus tard, un véhicule
de l’armée les prit en charge pour qu'ils aillent faire le
rapport du crash de l’avion.
M. PERO-DECACHON les fit revenir chez lui, prendre le repas du soir avec
les gens qui les avaient aidé et quelque personnalités .
James STERLING n’a jamais voulu faire l’apologie du passé.
Par contre, je sais qu’il a correspondu longtemps avec la femme de
LEMESSIER ( M. de LAMAZE en détient une lettre écrite de sa
main.)
Tous cela fut compliqué mais normal. Ce n’est qu’un fait
parmi tant d’autres. Nous étions réfractaire à
l’envahisseur et dans l’ombre, rien de plus.
Je n’ai pas oublier Adrien